Thésée / Pouillé / Monthou

Pouillé

Le vieux village de Pouillé s'est construit, au cours des âges, le long de la rive gauche du Val de Cher, de part et d'autre de sa très ancienne église, au pied d'un grand plateau aux pentes abruptes. Ce plateau monte rapidement de 63 m, au niveau du Val, à 110 m, puis à 186 m, à la Ferme Neuve, point le plus haut du département. Il est entaillé de ravins profonds creusés par une érosion, jadis très active. Il n'y coule de nos jours qu'un mince filet d'eau intermittent, mais il n'en a pas toujours été ainsi. Au débouché de l'un de ces ravins, le ruisseau du Bourg qui coulait autrefois abondamment et charriait terre et cailloux, prend ici le nom significatif de Roulier et en amont, dans le ravin, celui non moins significatif de Frais-cul. Les flancs de ces sombres ravins, souvent inaccessibles, sont peuplés d'arbres de grande hauteur, châtaigniers, chênes, acacias. Les coteaux aux pentes raides qui raccordent le plateau du Val, sont, de même, densément boisés. Tous ces bois forment, pour la vigne, depuis le rebord du plateau, un abri naturel particulièrement favorable. Les terres plus élevées, vers la Ferme Neuve, ne portent plus de vigne, mais sont vouées aux cultures céréalières. Entre les coteaux de Pouillé orientés au nord, couverts de bois, et les coteaux de Thésée orientés au sud, couverts de vignes, s'étend, sur 1 km de large, ce plat val du Cher, quasiment sans relief. Il n'est pas à plus de 3 à 5 m au-dessus de l'étiage de la rivière. Périodiquement au printemps, le Cher sort de son lit et la route qui mène à Thésée est coupée pendant quelques jours. Cependant, depuis une trentaine d'années, on n'a plus revu ces grandes crues où l'eau venait jusqu'aux maisons de Pouillé, à la sortie du village à gauche de la route D17, en direction de Mareuil.

Le Bourg de Pouillé s'est établi dans un espace particulièrement bien choisi, là où le plateau avait reculé ou s'était aplati, ne lui faisant pas d'ombre, et là où il se trouvait juste au-dessus du Val, hors des plus fortes crues. A l'ouest de l'église, les maisons se sont construites sur une sorte de "terrasse" constituée, au débouché du ravin, d'une masse énorme de matériaux entraînés par l'érosion. Au cours des siècles, peut-être des millénaires, cette "terrasse" s'est trouvée modifiée par une érosion secondaire. Un cours d'eau s'y est creusé un lit, un étang ou un marécage s'y est étalé... Puis beaucoup plus tard, la main de l'homme est intervenue : on a endigué le Roulier et on a prélevé pierres et moellons bruts pour monter les maisons, on y a créé un bief, alimenté par une source, pour le moulin construit dans le Bourg au XVIIIème siècle... Les hameaux de l'Ormeau et de la Prémollière se sont installés sur des "paliers" qui montent progressivement jusqu'au plateau. A l'est de l'église, l'autre côté du Bourg s'est construit sur les pentes adoucies du coteau au bas du "manoir" de la Brosse (plutôt une maison de Maître).

 

Bourg du levant, Bourg du couchant, entre les deux, l'église Saint-Saturnin fait l'unité du village. Limité au bord du Val, adossé au coteau, Pouillé paraît étiré le long de sa grande rue.

 

La plupart des vieilles maisons du Bourg ou du plateau ont été, de nos jours, restaurées avec prudence en conservant leur authenticité. Elles avaient été construites simplement avec chaînages d'angle en pierre taillée de tuffeau, de même que les jambages et linteaux des ouvertures. Les murs avaient été montés au "mortier" de terre et d'argile, avec pierres et moellons de toute nature, trouvés sur place, et recouverts ensuite d'un enduit de sable et de chaux.

 

A la fin du XIXème siècle, de belles et grandes maisons, en partie de pierre de taille de Bourré, sont apparues de chaque côté de la grande rue de Pouillé, témoins d'une certaine prospérité du village. "Pierre de Bourré", c'est ainsi qu'on désigne cette pierre de calcaire micacé blanc ou crème (tuffeau), avec laquelle les châteaux de la Loire ont été construits. Cette pierre a été extraite pendant des siècles des immenses carrières souterraines (les caves perrières) de Bourré. En fait, on a tiré de la pierre dite de Bourré de bien des caves de la vallée du Cher. Ainsi, les pierres de Bourré des belles maisons de Pouillé venaient probablement des caves pérrières toutes proches de Mareuil (il n'y en avait pas à Pouillé).

 

A ces époques, les maisons étaient encore construites par des artisans du pays, maçons, charpentiers, tailleurs de pierre, qui savaient tout faire et connaissaient leur métier d'expérience. Ils se laissaient quelquefois aller à certaines originalités ou fantaisies : exercices de style, expression esthétique ou artistique...

 

On trouve partout de ces petits détails architecturaux à Pouillé; il suffit d'y être attentif.


  

 

Les dernières décennies ont vu l'urbanisation de Pouillé se développer considérablement. De nouvelles constructions sont venues combler les "vides" qui existaient entre le Bourg et les hameaux proches et de nouvelles voies viabilisées ont été rapidement habitées. L'assainissement (le "tout-à-l'égout") s'est progressivement étendu. Quant à l'eau potable, depuis longtemps, son réseau de distribution avait atteint les hameaux du plateau. Il faut dire qu'ici, la vie en avait été grandement changée : il n'y avait plus à remonter l'eau de puits profonds de 30 à 50 m.

 

Pouillé, comme Thésée d'ailleurs, a bénéficié, à 500 m du Bourg, de cette nouvelle route dans le Val, inaugurée en 1982, la départementale D976 (on l'appelle ici la "voie rapide" , bien qu'elle ne soit qu'à 2 voies). Elle permet de joindre rapidement Montrichard ou Tours, ou encore, à 6 km l'échangeur de l'autoroute A85.

 

Les origines de Pouillé se perdent dans la nuit des temps. Il est cependant très probable qu'un vicus, une agglomération ou de simples bâtiments d'époque gallo-romaine, contemporains de Tasciaca aient préexisté au Bourg actuel. En effet, une portion de mur en petit appareil, semblable aux murs des Mazelles, bien que sans arases de briques, a été utilisé en partie comme soubassement au château de la Voûte. Des témoins importants d'activité artisanale durant les premiers siècles se trouvent à 2 km du Bourg, au voisinage du Cher. Il s'agit d'un ensemble de fours de potier qui ont produit, en leur temps, des quantités importantes de céramiques largement supérieures à l'utilisation locale. Dans les mêmes lieux se trouvent les vestiges d'un petit temple, un fanum, probablement dédié à une divinité des eaux. D'autre part, en 1842, des historiens locaux (Péan et Charlot) passant par Pouillé au cours d'un voyage, rapportent que les habitants avaient trouvé, non loin de l'église, à diverses époques, "des urnes de verre, des vases de terre et des tombeaux de pierre tendre". Ces descriptions, très imprécises, font penser à des objets d'époque mérovingienne (des sarcophages mérovingiens de pierre tendre ont, de même, été trouvés auprès de l'église de Thésée). On suppose aussi que l'église romane de Pouillé aurait été précédée d'une église primitive des Vème ou VIème siècle, mais aucun texte, aucun vestige ne l'atteste. Il existe cependant des témoins plus concrets de l'antiquité de Pouillé : ce sont des monnaies mérovingiennes portant Pauliaco (-> Pauliacum), de la collection d'Amécourt. Il y aurait donc eu un atelier monétaire à Pouillé (à moins qu'il ne s'agisse d'un atelier extérieur qui frappe pour son compte). On pense que le nom de Pouillé pourrait venir d'un toponyme gallo-romain Pauliacum, le "domaine de Paulius".

 

L'église Saint-Saturnin de Pouillé

L'aspect général de l'église de Pouillé n'a certainement pas changé notablement depuis sa construction aux XIème-XIIème siècles. La nef, le clocher, l'abside sont de la même facture. Seule, une partie du pignon occidental est différent : elle est en petit appareil, peut-être d'une construction antérieure. Mais il est à peu près certain que cette église ait été précédée d'une église primitive dont nous ne saurons jamais rien. L'église Saint-Saturnin de Pouillé fait partie d'une quantité de petites églises paroissiales qui sont apparues après les troubles de l'An Mil.

"C'était comme si le monde entier se libérant, secouant la poussière de sa vétusté, parut alors se couvrir d'un blanc manteau d'églises. - Raoul le Glabre, 985-1050".

Au cours des âges, des aménagements ont été apportés autour de l'église : une sacristie, des contreforts ajoutés contre les murs de la nef et le pignon, une construction débouchant au-dessus de la voûte du choeur pour accéder au clocher... Des portes et des fenêtres ont été bouchées et d'autres ont été ajoutées. La nef, sans bas-côtés ni transept, éclairée de petites fenêtres étroites très haut placées, est couverte d'une voûte en bois laissant voir entraits et poinçons. Le choeur voûté de pierre, suivi d'un chevet en cul-de-four, est plus étroit que la nef. Ses murs portent le clocher, comme c'est le cas pour les églises romanes qui n'ont pas de transept. Sur le mur nord de la nef, une peinture de l'école italienne, représentant le Martyre de St-Sébastien, du début du XIVème siècle (tableau classé). Au cours de son existence l'église de Pouillé a subi des dommages de toutes sortes dus à l'impéritie des hommes, aux conséquences des guerres, aux éléments naturels. Ainsi la foudre a causé, par trois fois depuis le XIIIème siècle, de gros dégâts au clocher et aussi à la toiture de l'église. Le 20 juin 1940, un obus, tiré par les allemands, provoque des dommages considérables au clocher et aussi à la toiture.

L'église de Pouillé est placée sous le vocable de Saint-Saturnin. Saturnin, plus connu sous le nom de Sernin, est envoyé par le pape Fabien vers 208 pour évangéliser la Gaule méridionale. Il sillonne la région, passe par Nîmes, Pampelune, revient à Toulouse dont il devient le premier évêque et où il subit le martyre en 250. La Basilique Saint-Sernin de Toulouse lui est dédiée.

 

 

Le Château de La Voûte

 

La Voûte, avec son château de noble allure, son parc d'agrément et ses grands cèdres, ses communs joliment aménagés, est sans doute le lieu le plus remarquable de Pouillé. Le promeneur un peu indiscret en a un aperçu à travers la grande grille d'entrée en fer forgé et les autres grilles d'un mur bas. Le mur de clôture de la propriété, pas bien haut, avec ses vieilles pierres patinées et son dos rond, n'a rien de défensif et laisse, lui aussi, admirer "la Voûte".

Le Château, cette grande bâtisse, présente une belle architecture classique de l'époque Louis XIV. Maison traversante avec deux rangs de sept ouvertures en façade et deux pavillons latéraux, la demeure a été agrémentée, fin XIXème siècle, de deux terrasses ornées de balustrades en pierre. A l'intérieur de la maison, on peut encore voir les anciennes traces des ouvertures de la maison du moyen âge, ainsi qu'un soubassement datant de l'antiquité romaine. Le mur de clôture qui délimite la propriété actuelle a été édifié au XIXème siècle, ce qui a donné lieu à protestations de la population, privée du chemin d'accès historique à l'église. Il dissimule un parc d'un hectare et demi où l'on découvre des jardins en terrasse, un parc agrémenté de cèdres majestueux. Il arrive que les cigognes y fassent halte lors de leur migration... On notera la petite tour enserrée dans le mur de clôture qui date vraisemblablement du XVIIème siècle.

 

On remarquera également, à 200 pas de là, la charmante demeure de la Brosse qui domine la Voûte en montant sur le Plateau. Cette demeure renaissance, plus ancienne que la Voûte, témoigne des rivalités ancestrales qui ont opposé, au XVIIIème siècle, les deux cousins Simonneau, l'un seigneur de La Brosse, l'autre seigneur de La Voûte. Cette rivalité, faite aussi de rancoeur, de vieilles histoires de préséance, de procès... allait se terminer dramatiquement le 23 février 1747. Ce matin là, Simonneau de La Brosse, embusqué au coin d'un bois, a tué de trois coups de fusils, son cousin Simonneau de La Voûte. On parle encore de ce drame aujourd'hui !

 

La demeure de la Voûte ne se visite pas. C'est actuellement une maison d'hôtes et les amateurs seront aimablement reçus par les propriétaires, notamment lors des journées du patrimoine.

 

Il y a encore bien des choses à découvrir à Pouillé. Il faudra quelquefois gravir des pentes que l'on trouvera assez raides si on les grimpe à pied ou à vélo. Mais ce sera par de jolies petites routes très peu fréquentées par les voitures.

 

L'espace de loisirs "Yves Buchet"

L'espace de loisirs "Yves Buchet" a été créé, il y a une quinzaine d'années, sur une large noue humide à quelques centaines de mètres du débouché de deux ravins profonds. Sur l'un des deux côtés de cette noue, le long du mur de la Voûte, le Roulier, presque toujours à sec. De l'autre côté, sous les arbres, l'ancien bief du moulin du Bourg où coule l'eau de la source de la Fontaine. L'aval du bief a été détourné pour alimenter en eau cette jolie pièce d'eau, tout naturellement attendue en ce lieu. L'endroit est particulièrement agréable et reposant avec ses pelouses bien entretenues, ses bancs, ses jeux pour enfants. Près de là se situent le lavoir et le bassin de la source de la Fontaine.

 

Partant de ce lieu plein de charme, un petit périple de 8 ou 10 km peut faire découvrir ce vaste plateau de Pouillé entrecoupé de plusieurs ravins. Il suffit de remonter la petite route qui part le long de la rive droite du Roulier en direction de Peumen. A l'entrée du hameau, sur la gauche,on trouve le vieux puits commun de Peumen, profond de 30 à 35 m. Depuis près de 50 ans, ce puits n'est plus là que pour la mémoire : l'eau courante est dans toutes les maisons.

 

Après ce hameau, la route arrive vraiment sur le plateau. C'est là que commence le vignoble de Pouillé, vignoble d'environ 280 ha produisant des vins blancs et rouges d'appellation AOC Touraine.

Le lieu reflète bien la particularité du terroir viticole de Pouillé. La vigne y est cultivée sur des sols argilo-siliceux ou argilo-calcaires, en général entre 100 et 150 m, à l'abri de bois et bosquets et non pas sur les pentes raides du bord du val du Cher. Les vignes n'étaient pas toujours près des hameaux où se trouvait regroupé, autour d'un puits, l'habitat du plateau. On a construit ces petites loges (on dit aussi "cabanes de vignes") pour se mettre à l'abri ou pour prendre son repas lorsqu'on était loin de la maison. Elles avaient une petite cheminée et parfois une écurie pour le cheval.

 

Des hameaux du plateau, la Tesnière, Peumen, le Chêne Gauthier, Pierrefitte... reprennent, de nos jours, une nouvelle vie. Les maisons ont été aménagées autrement et modernisées. Celles qui avaient été abandonnées sont restaurées et les métiers de leurs occupants ne sont plus ceux de la vigne !

 

En poursuivant son chemin, on se doit de prendre la première petite route à droite pour découvrir une des curiosités du pays : un ancien pont à péage.

On imagine la difficulté que pouvaient avoir les charrois à franchir les flancs de ce ravin aux pentes raides. Au XIXème siècle, un propriétaire du Chêne Gauthier a fait construire ce pont. Il demandait un péage à ceux qui l'utilisaient. On ignore aujourd'hui le mode de perception du droit de passage. De nos jours, ce pont n'est évidemment plus praticable. Il a été récemment restauré.

 

 

Les vignes, encadrées par les bois jusqu'au bord du plateau restent l'un des plus beaux paysages de Pouillé. Au loin, dominant le Val de Cher, les côteaux de Thésée et de Monthou complètent à merveille ce paysage à la fois majestueux et tranquille, celui de l'antique Tasciaca.

 

 

 

 

 

 

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plan de situation